Rastenberg (Christiane Singer)

Nous sommes retournés plusieurs fois à Vienne et ce n'est sans doute pas fini, mais cette fois-là vaut d'être retenue car nous étions avec HGK et son épouse, qui est maintenant sa veuve, et avec CH, alors encore mariée à un journaliste autrichien qui nous avait connus comme elle au Lycée Français de Vienne, et c'était la première fois qu'ils se rencontraient. Christiane Singer, connue socialement de l'une, juive d'origine hongroise comme elle, et littérairement de l'autre, quelque peu rebuté par sa spiritualité jungienne mais intéressé par son mysticisme vaguement oriental, nous avait invités à déjeuner et le fait est que nous ne sommes pas prêts d'oublier notre arrivée au château de Rastenberg. Après une assez longue et obscure traversée de la forêt (pourtant viennoise), personne au pont-levis, un silence de mort, d'immenses et successives pièces quasiment vides sauf de grands portraits, l'impression très surréaliste d'un monde inhabité, hanté même (Je dirais maintenant un château à la Thomas Bernhard) et puis, nous attendant, assise à la fenêtre médiévale donnant sur le précipice, un long fume-cigarette à la main, la comtesse Von Thurn-Valsassina. Je me souviens qu'elle nous parla d'une certaine Marie morte ici brûlée au dix-neuvième siècle, « les portraits qui ornent aujourd'hui encore les couloirs la virent passer en torche vivante »...Je connaissais de Christiane Singer La Mort viennoise et je n'ai fait que parcourir son dernier ouvrage, Derniers fragments d'un long voyage, où elle relate avec une grande sérénité les six derniers mois du cancer qui allait l'emporter, et j'ignorais complètement cette écrivaine avant notre passage chez elle à Rastenberg, mais c'était assurément une personne authentique et séduisante, un peu « cramée » sans doute, qui nous fit en tout cas une réelle impression. Voir Repères bio[C]