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Vignettes mémorielles

Verlaine d'ardoise et de pluie

9 Novembre 2021 , Rédigé par Jean-Pierre Maillard Publié dans #Ardennes-Touraine, #Littérature

Verlaine d'ardoise et de pluie
 

 

Mathilde Mauté de Fleurville

 

 

 

Verlaine d'ardoise et de pluie
J'avais oublié ce petit livre de Guy Goffette qui fait parfaitement écho au texte magnifique de Claudel datant de 1935 :
« J'ai appelé Verlaine le fils de l'Ardenne et de l'ardoise. [...] de l'ardoise de la Meuse, celle de Fumay et de la Belgique, cette liasse de feuilles noires arrachées aux archives de la nature, le souvenir profondément emmagasiné de ces ciels du Nord qui interposent entre le soleil et nous un voile perpétuel de mélancolie, et vers qui cette terre de forêts et de fumées, exhale à longueur de temps ses vœux de fidélité et de veuvage. L'ardoise toujours humide et plus sombre que la pluie ! ».
Goffette a beaucoup communiqué sur la façon dont « Verlaine est entré dans [sa] vie comme la foudre dans une maison fermée. Tout de suite, [...] cela en un seul et même mouvement, comme d'un balancier ou comme la marée, qu'il s'agisse de sa vie ou de son oeuvre, les deux étant dans son cas intimement mêlés, reflet ou miroir l'une de l'autre, comme en un rêve exquis. ».(C'est dans son dernier opus, de mai 21, chez Buchet-Chastel,, faisant suite à L'autre Verlaine de 2008 chez Gallimard).
L'oeuvre et la vie, ce n'est pas nouveau, et c'est même le thème de la non moins magnifique Variété de 1937 de Valéry sur...Villon et Verlaine : « Verlaine!… Que de fois je l’ai vu passer devant ma porte, furieux, riant, jurant, frappant le sol d’un gros bâton d’infirme ou de vagabond menaçant. Comment imaginer que ce chemineau, parfois si brutal d’aspect et de parole, sordide, à la fois inquiétant et inspirant la compassion, fût pourtant l’auteur des musiques poétiques les plus délicates, des mélodies verbales les plus neuves et les plus touchantes qu’il y ait dans notre langue. Tout le vice possible avait respecté, et peut-être semé, ou développé  en lui, cette puissance d’invention suave, cette expression de douceur, de ferveur, de recueillement tendre, que personne n’a donnée comme lui ».
Tout est dit dans ces trois textes sur la façon d' aborder Verlaine (pas toujours rangé dans les bonnes cases littéraires) , et aussi Goffette (un authentique poète), sans trop de a priori, même quand on est ardennais. Mais si je me suis mis à (re)lire sérieusement Verlaine (Incontournable édition, surtout pour la chronologie de Le Dantec, des Oeuvres complètes dans la Pléiade), ce n'est pas seulement pour le plaisir de donner la parole en poésie à des conférenciers comme Claudel, Valéry et Goffette et non à des universitaires, mais aussi, indirectement, pour revisiter cet Ardennais autrement envahissant qu'est Rimbaud. Et par là même affronter le mythe, dont on n'a pas fini de nous rebattre les oreilles depuis le mayennais Etiemble au temps de nos études. Il n'y aurait pas eu de Rimbaud sans Verlaine, au moins pour la publication, et l'on connaît ou imagine toutes les péripéties de leur fascination réciproque, mais le premier, moins prolixe, a occulté le second, peut-être ou soi disant moins « génial », et pourtant...

Un bon moyen de se faire une opinion est de suivre en automne la route Rimbaud Verlaine, une initiative franco-belge des années 60. L'occasion nous en fut donnée récemment par une amie ardennaise, qui plus est apparentée à la famille Perot, bien connue des biographes de Verlaine. Il s'agissait de retrouver les traces d'une correspondance entre le poète et Clarisse Pérot, la sœur d'Hector, amie d'enfance dont, il aurait pu être tombé amoureux, comme ce fut le cas pour nombre de ses cousines, avant ou après son mariage avec la fameuse Mathilde. Sur cette dernière, et pour mieux poursuivre Verlaine (et Rimbaud!), lire ses Mémoires de l'ex Madame Verlaine !
Au musée de
Juniville, qui propose, comme d'ailleurs celui de Paliseul, un parcours vraiment intéressant, ne pas manquer le guide, qui est fabuleux. Il est tombé par hasard (comme jardinier !) dans Verlaine et n'en est jamais sorti, c'est un personnage passionné, authentiquement anarchiste (il est ravi de croire que Louise Michel fut témoin au mariage de Mathilde) et excessivement convaincant, même quand il parle de Rimbaud sans être dupe de son mythe. Entre les verlainiens et les rimbaldiens (et de rire de les mettre au Panthéon !), son choix est vite fait, même s'il a appelé son fils Arthur ! De quoi secouer beaucoup d'idées reçues, et regarder avec précision et profit les pièces du musée (superbe déconstruction par exemple des fameuses photos de Carjat). Il connaît à fond la vie du Pauvre Lelian , autant d'ailleurs qu'il apprécie, comme Valéry rapprochant Verlaine de Villon, ou Brassens chantant l'un et l'autre, l'oralité et le caractère populaire des pièces qu'on peut savourer sans avoir à les expliquer.

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