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Vignettes mémorielles

Montaigne et la douleur

16 Août 2022 , Rédigé par Jean-Pierre Maillard Publié dans #Littérature

Montaigne et le doliprane

Une émission récente de France culture revenait sur la question de la douleur chez Montaigne, et on peut avec les universitaires, spécialistes ou fans de l’écrivain s’en donner à oeur joie, en référence à toutes les problématiques de la santé et de la nature humaine. Montaigne toujours actuel, surtout l’été, et on peut même le convoquer à propos de la guerre en Ukraine ! Donc toujours le relire. Ce n’est malheureusement pas facile, car il y a des problèmes de langue et d’éditions.
Plus que sur la mort, les réflexions de Montaigne sur la douleur sont passionnantes, en ce qu’elles font, comme toujours chez lui, la juste part entre ce qu’on peut à perte de vue en dire du point de vue « philosophique » et la part de l’expérience vécue et réfléchie, Sa « dispathie naturelle à la médecine » sera encore celle de Molière et est encore d’actualité, car les médecins auxquels il faut faire appel sont de nos jours loin d’avoir toujours un diagnostic sûr et d’être de bon conseil thérapeutique ou comportemental. Le recours à la science (c’est-à-dire désormais aux machines programmées par les algorithmes et à la statistique), admirable en cas de risque grave comme en connaissent les services d’urgence (par exemple celui de l’embolie suite à une phlébite !) se heurte aux encombrements et injustices du système de gestion des soins. Et l’on assiste à une privatisation inéluctable au détriment du service public et à une prolifération de soignants ou consultants de toutes sortes. Cela peut avoir du sens pour qui cherche de l’écoute mais n’est pas toujours efficace ni économique. La situation a beaucoup changé depuis le 16ème siècle mais la problématique est bien la même.
 La réalité est qu’on est rentré, ce que ne pouvait prévoir ni Montaigne ni ses successeurs jusqu’au XXème siècle, dans l’ère du doliprane, qui plus est en vente libre. C’est là désormais le recours universel face à la douleur, à mois qu’elle ne devienne extrême. On éprouve toujours le même plaisir quand ce médicament fait effet que celui que j’évoquais dans une de mes premières vignettes. Volupté et souffrance sont bien liées et peuvent générer des angoisses similaires. Reste, quelles que soient les illusions du discours qu’on tient sur soi, sur la douleur des autres ou sur la dimension sociale du problème, qu’on continuera, sauf désespoir ou dérive sectaire, à mettre la santé (mens sana in corpore sano à tout niveau, même inconscient), non sans ambiguïté au-dessus de tout. Et l’on peut alors en dernier recours trouver « la santé digne d’être rachetée par tous les cautères et incisions le plus pénibles qui se fassent » et conclure avec Montaigne : « La santé, je l’ai libre et entière, sans règle et sans autre discipline que de ma coustume et de mon plaisir. ». Question de définition.

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