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Vignettes mémorielles

François, le poète et le philosophe

1 Avril 2023 , Rédigé par Jean-Pierre Maillard Publié dans #Langage et Linguistique, #philosophie-religion

 J’ai consacré il n’ y pas si longtemps deux vignettes à François Cheng et à François Jullien, l’un académicien d’origine chinoise, l’autre philosophe éminent sinologue. Ce sont des auteurs importants et prolixes qu’on n’a pas le temps de lire, qui ne sont pas de la même génération et qui ne se rencontrent pas souvent, même dans les arcanes du Figaro ou de Philomag mais leur confrontation n’est pas sans intérêt. Il s’agit, rien que cela, d’appréhender ce qui dans la poésie ressort finalement du langage dans sa dualité (oral/écrit) ou dans son ambiguïté essentielle (qui parle à qui et de quoi?). Vaste programme !
     Dans Une longue route pour m’unir au chant français, qui vient de paraître,  Cheng explique très bien une fois de plus en quoi la différence entre l’écriture idéographique du chinois et l’écriture alphabétique du français « où les valeurs phoniques sont infiniment plus riches » est à la source de sa poésie et de son « rapport intime avec la langue française » et tout le livre se donne effectivement comme un un bilan d’apprentissage littéraire et biographique, dans « la vénération quasi sacrée » de cette langue.. Ce qui est intéressant, mais sans plus, car dans le domaine du bilinguisme des grands écrivains et des chantres de la grande écriture, il y a pléthore, même dans les académies et tant mieux ! Mais pour François Cheng, c’est « notre vraie vie [qui] est l’itinéraire de notre âme », en plus il a une bonne bouille, il faut donc le lire comme un poète et un sage, mais non comme un philosophe ou un linguiste
     En dépit des apparences c’est à l’opposé de François Jullien. Qu’on en juge, quand ce dernier s’exprime sur le même sujet : « Que le rocher soit appelé “racine de nuage” n’est pas une figure de rhétorique, ni même une image poétique, mais traduit l’osmose qui, par la circulation du souffle vital, fait communiquer tous les existants entre eux et les relie de l’intérieur », les deux François ne sont pas très loin de dire la même chose, mais pas de la même façon ni dans le même but. Le premier est plus un poète, un naïf (non de la langue mais de l’origine et du Tout). Le second plus un raisonneur et un promeneur (dans les langues et les concepts). Poètes tous les deux dans leur manière de décrypter les paysages,, ils ne sont ni l’un ni l’autre des chantres de l’exil ou de la mémoire, mais bien du lieu, du hic et nunc loin du temps. Plus que la musique, ils savent écouter les silences (même entre les mots) et le bruissement des ondes, parfois même les oiseaux.
     Mais leur apport sera pour nous, dans un siècle nouveau, différent. Aucun n’est à proprement parler religieux mais c’est plus ou moins tout comme, à la manière augustinienne ou cistercienne selon leur nature, leur culture ou les circonstances. L’un va plus nous porter à méditer, l’autre à réfléchir.. Lisons-les donc et parfois même à haute voix.

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