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Vignettes mémorielles

Relire La Débâcle de Zola

29 Décembre 2021 , Rédigé par Jean-Pierre Maillard Publié dans #Ardennes-Touraine, #Littérature, #Histoire

Relire La Débâcle de Zola
L'occasion m'en ayant été donnée récemment par un colloque qui s'est tenu à Sedan sur La guerre de siège 1870-1871, j'ai relu La Débâcle. Il faut le faire dans l'édition Pléiade d'Henri Mitterrand, parce que sa présentation et ses notes sont très précieuses, s'agissant de la dimension historique du roman et de sa réception. L'auteur écrit, rappelons-le, une vingtaine d'années après les événements de 70 : perte de la guerre à la bataille de Sedan, chute de l'empire et Commune de Paris. Ses sources, son enquête sur le terrain (Mon voyage à Sedan a consigné ses observations), et divers témoignages sont minutieusement examinés dans ces notes.
Cela permet aux nostalgiques de revisiter les lieux et de comparer, rue par rue et village par village, le Sedan et le Sedanais du XIXème siècle à ceux du XXIème, ce qui fait le miel des historiens locaux et accessoirement nos délices et l'intérêt des offices de tourisme, même de tourisme militaire. Et il est intéressant de voir comment l'auteur utilise et transpose ces données, puis comment différentes idylles « romanesques » plus ou moins crédibles couturent la lisibilité sans sombrer dans le feuilleton. La comparaison avec Stendhal, Hugo ou Balzac n'est pas vraiment en sa faveur, mais relire La Débâcle pour cette seule problématique littéraire n'a pas beaucoup d'intérêt.
Par contre, si Zola ne prétend nullement être historien et se comporte plus en journaliste qu'en analyste, il n'en est pas moins amené à prendre position sur des événements somme toute récents et qui restent dans l'actualité politique. Et il y aurait beaucoup à dire sur certaines de ses remarques qui peuvent étonner étant donné l'aura de l'auteur de J'accuse après l'affaire Dreyfus On laisse aux historiens le soin d'apprécier,mais on ne peut, avec le recul, et à moins d'être définitivement « versaillais » comme on dit encore aujourd'hui en parlant politique, que partager les conclusions d'Henri Mitterrand. Il est clair que Zola n'est ni Victor Hugo ni Jules Vallès et n'a pas compris grand chose de la Commune. « L'ensemble des causes objectives de l'événement lui échappe. Il en allait différemment pour sa présentation de Sedan et du désastre militaire. De là un certain déséquilibre de l'oeuvre, sur le plan de la lucidité historique ».
On peut objecter que Zola, comme tous ses intellectuels contemporains, a certainement évolué dans son appréciation de la Commune (voir ce qu'il en disait à chaud quand il était journaliste à La Cloche). De plus, replaçant le roman dans l'ambitieuse série sociologique des Rougon-Macquart sans se contenter (ce qui était son intention initiale) de faire un roman sur la guerre, comme un autre sur le commerce ou l'argent, Zola avait en vue de donner la parole à toutes les opinions. Et c'est ainsi que la fin de l'histoire, un peu bâclée il faut bien l'avouer, opposera de façon très romanesque le paysan Jean Macquart dans le rôle du soldat versaillais conservateur de l'ordre établi à son ami Levasseur, l'intellectuel communard qu'il a tué. « Tout le symbole est là ; c'est la mauvaise partie de la France, la raisonnable, la pondérée, la paysanne, qui supprime la partie folle». C'est aussi simpliste et peu crédible que les différentes idylles qui en pleine guerre décorent le roman mais le rendent du coup lisible.
Mais j'aime bien quand même ce concept de lucidité historique. Et il ne me reste plus qu'à relire Les Misérables (pour Waterloo!) et L'Insurgé, ou quelque mise au point actuelle sur l'histoire de la Commune, dont on célèbre (?) plus ou moins le 150ème anniversaire. Ainsi la boucle sera bouclée puisqu'on s'interrogeait aussi récemment sur l'attitude de Verlaine et même de Rimbaud. Ceci dit, les romanciers auront toujours le dernier mot : sans Zola (et le musée de Bazeilles), qui connaîtrait le « fameux » tableau d'Alphonse de Neuville La Dernière cartouche, ou Combat à Balan. Et qui, sans La Débâcle connaîtrait d'ailleurs Bazeilles et Balan ?

 

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