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Vignettes mémorielles

Vienne (Wien)

14 Mai 2016 , Rédigé par Jean-Pierre Maillard Publié dans #Littérature, #Musique, #Voyages-Géographie

Evidemment qu'il faut évoquer la Vienne que nous avons connue avant qu'elle ne devienne, loin du Ring, la ville internationale mais aussi européenne où je suis retourné plusieurs fois sous différents prétextes. Plaisir d'évoquer notre première année dans le secteur russe du Belvédère, la seconde dans l'appartement bobo de la résistante en allant vers Grinzing, la révélation au palais Lobkowitz du français langue étrangère et de leurs étudiantes austrohongroises, l'aventure adolescente du Barbier de Séville et bien d'autres qui m'ont valu des contacts et des amours durables. Mais ce serait insuffisant car nous y avons vraiment trouvé, formation essentielle à l'aube de la vraie vie, et retrouvé (dans l'épuisement de la maturité et de la retraite) des sensations fortes et parfois partagées, puisqu'y perdurent les cafés chers aux auteurs de l'empire éclaté que j'adorerais (Musil, Zweig, Schnitzler...), l'incroyable éclosion sur fond de décadence de la modernité intellectuelle et artistique (Klimt, Schiele, le premier Kokoschka...), même muséifiée à la manière de « l'apocalypse joyeuse » de l'expo parisienne, l'omniprésence de la musique (Une messe de Bach à improviser chaque dimanche ou dix mille personnes et la Philharmonique dans les jardins de Schönbrunn !) et de l'opéra, la marche dans la forêt au sein même de la cité et le petit vin blanc des Heurigen, et même l'écho de l'architecture socialiste et des grandes luttes ouvrières ou soixante-huitardes, sans oublier l'intolérable persistance de l'antisémitisme dénoncé par Bernhardt et bien d'autres et perceptible dans le moindre Beisl. On voit donc que Vienne reste inépuisable et il faut y retourner, voire y séjourner. Pour autant, je garderai ma Vienne à moi, exactement séculaire, celle d'un petit Quinquin déguisé en soubrette qui s'éprend de Sophie au pied de la Maréchale, dans des décors à la Sissi mâtinés de Cacanie, mais non loin du père Freud et de mon cher Mahler, et de là-bas j'enverrai moi aussi des cartes postales. Peut-être avec cette citation de Gracq (La Forme d'une ville): « Pour s'être prêtée sans commodité, pour ne s'être jamais tout à fait donnée, peut-être a-t-elle enroulé plus serré autour d'elle, comme une femme, le fil de notre rêverie, mieux jalonné à ses couleurs les cheminements du désir ». Peut-être même, puisque c'est maintenant technologiquement possible, avec l'adagio du quintette à cordes de Schubert, et la même tonalité de nostalgie positive que dans le dernier épisode d'Axel Corti : Welcome in Vienna ! Voir Repères bio[C]

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